Le chef de l’État, qui s’impose une réserve publique, a discrètement reçu Nicolas Sarkozy à l’Élysée, quelques jours avant l’incarcération de ce dernier. Un geste feutré, empreint d’humanité politique, dans un moment où la justice et le pouvoir s’observent en chiens de faïence.
Il n’a rien dit. Ou presque. Emmanuel Macron s’est enfermé dans un silence aussi lourd que parlant. Mais derrière les portes closes du palais de l’Élysée, le président de la République a tendu la main à son prédécesseur. Vendredi, Nicolas Sarkozy a été reçu, loin des caméras, pour un entretien d’un peu plus d’une heure — une parenthèse crépusculaire entre deux hommes que tout sépare, sauf peut-être la conscience aiguë de la solitude du pouvoir.
À quelques jours de son incarcération à la prison de la Santé, où il doit purger une peine prononcée dans l’affaire du financement libyen de sa campagne — peine dont il a fait appel —, l’ancien président a donc franchi une dernière fois les grilles du palais où il régna. Le geste, discret mais chargé de sens, ressemble à une accolade républicaine : ni pardon, ni approbation, mais une forme d’élégance dans la disgrâce.
Car Emmanuel Macron, garant des institutions et de l’indépendance de la justice, s’est bien gardé de tout commentaire public. Le chef de l’État sait que la République se fonde sur la séparation des pouvoirs — et que la compassion, en politique, doit se dissimuler sous le masque de la pudeur.
Mais le président n’en reste pas moins homme. Selon une source proche de la discussion, il aurait exprimé ses interrogations sur les “notions d’exécution provisoire et de mandat de dépôt dès la première instance”, autrement dit sur le pouvoir de priver de liberté un citoyen avant que la justice ait épuisé tous ses recours.
Une réflexion teintée de philosophie institutionnelle, presque métaphysique : que vaut la présomption d’innocence dans un pays qui aime ses procès autant que ses symboles ?
Macron, qui a toujours manié la posture jupitérienne entre hauteur et empathie, semble ici renouer avec une certaine idée du président comme gardien moral, plus que juge ou procureur.
« La France protège ses présidents en fonction, mais pas ceux qui l’ont été », aurait-il glissé — constat lucide, peut-être amer, d’un homme conscient de sa propre fragilité dans l’Histoire.
Car au-delà du cas Sarkozy, c’est la figure présidentielle elle-même qui vacille, tiraillée entre la majesté de la fonction et l’hyperjudiciarisation de la vie publique. Dans cette rencontre à huis clos, la Ve République s’est peut-être contemplée dans son propre miroir : un pouvoir fort, mais vulnérable ; une grandeur blessée, mais digne.
Le silence d’Emmanuel Macron, plus qu’une réserve, ressemble alors à un hommage. À la fonction, à l’homme, et, peut-être, à l’idée même qu’en politique, la pudeur reste la dernière forme de noblesse.
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