C’est à New York, lundi , que la France franchira le pas. Dans une réunion coprésidée avec l’Arabie saoudite, Paris doit officialiser la reconnaissance d’un État palestinien. Un geste à la fois hautement symbolique et périlleux, qui propulse Emmanuel Macron au cœur de l’échiquier proche-oriental — entre volontarisme diplomatique et calcul politique.
Le président, qui plaidait déjà en juillet dernier pour « un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages et une aide humanitaire massive », assume désormais la traduction concrète de sa doctrine : soutenir la fameuse « solution à deux États ». Une formule incantatoire répétée depuis des décennies dans les chancelleries occidentales, mais rarement assortie d’actes. En décidant de « bâtir l’État de Palestine, assurer sa viabilité » et de conditionner cette reconnaissance à sa démilitarisation et à la reconnaissance pleine d’Israël, la France tente de réinventer l’équilibre fragile d’Oslo.
Le pari est risqué. À Jérusalem, la colère est vive. Le Premier ministre israélien accuse Paris d’« alimenter le feu de l’antisémitisme » : un grief aussi grave que prévisible, qui illustre la fracture béante entre l’allié historique d’Israël et une partie croissante de l’Europe lassée de l’impasse diplomatique. Après la Norvège, l’Espagne, l’Irlande, puis le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et le Portugal, la France s’ajoute à la liste des puissances occidentales qui jugent l’attente désormais intenable.
Mais derrière le romantisme d’un geste historique, reste la question la plus épineuse : que vaut une reconnaissance sur le papier si les conditions de viabilité territoriale et politique ne sont pas réunies ? Paris rêve d’une Palestine démilitarisée, garante de la sécurité israélienne, tout en offrant aux Palestiniens la dignité d’un État. Un idéal presque platonique, dans un Proche-Orient consumé par la défiance, les guerres de factions et l’effritement de toute confiance.
C’est peut-être là la contradiction fondamentale : la France veut simultanément embrasser la cause palestinienne et rassurer Israël, s’imposer comme médiateur humaniste et stratège réaliste. Une posture digne de Talleyrand, mais dans un monde où la diplomatie du compromis paraît chaque jour plus anachronique.
Alors, ce lundi à New York, le geste français sera sans doute salué par les uns comme un souffle nouveau et dénoncé par les autres comme une imprudence coupable. Reste à savoir si l’Histoire retiendra cette reconnaissance comme une étape fondatrice vers la paix, ou comme un symbole de plus dans l’interminable tragédie du Proche-Orient.