Ils sont nombreux, ce matin encore, à avoir effleuré leur mezouza du bout des doigts avant de refermer la porte d’entrée. Ce geste discret, tendre, presque machinal, est pour certains devenu un acte de courage. Depuis la guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre 2023, et la riposte militaire massive d’Israël à Gaza, la vie des Juifs d’Europe a changé de tonalité. Moins paisible. Moins insouciante. Davantage sur le qui-vive.
La guerre est là, bien sûr, dans les images violentes et polarisantes qui saturent les écrans. Mais elle est aussi dans les regards qui se durcissent, les silences gênés dans les dîners entre amis, et les hésitations à porter une kippa dans le métro. La synagogue du quartier, autrefois havre tranquille, est désormais encadrée par des militaires en faction. Quant aux écoles juives, elles font l’objet de protocoles de sécurité renforcés dignes d’un site gouvernemental sensible.
Une peur ancienne, un malaise nouveau
« Ce n’est pas la première fois que l’on a peur, mais c’est la première fois que l’on a honte d’avoir peur », confie Sarah*, professeure de philosophie à Lyon, qui ne porte plus sa chaîne avec l’étoile de David depuis l’automne. Car la crainte n’est pas seulement celle des actes de violence – déjà bien réels, comme en témoignent les nombreuses alertes, les synagogues vandalisées ou les agressions verbales dans la rue. Elle est aussi d’ordre symbolique : être juif, dans certaines sphères intellectuelles ou militantes, semble désormais vous assigner à une forme de complicité tacite, une altérité gênante, presque à justifier.
Hannoukkah en sourdine, identités en tension
À Berlin, Bruxelles ou Paris, certains ont continué de chanter les prières de Hannoukkah, éclairant fièrement leur fenêtre de bougies. D’autres ont préféré se taire, ou célébrer dans l’intimité, comme on le fait dans des temps de trouble. Cette dualité révèle une communauté éclatée dans ses expressions, mais unie par un même sentiment diffus : celui de devoir se repositionner dans l’espace public. Être juif en 2025, en Europe, est redevenu une question politique – qu’on le veuille ou non.
Fuir ? Résister ? Se dissimuler ?
Chez les plus jeunes, les récits de départ en Israël, au Canada ou à Miami résonnent désormais autrement. Non plus comme des projets de vie, mais comme des échappatoires éventuelles. Pourtant, une majorité reste, enracinée, déterminée à tenir bon. « Mon fils continue de porter sa kippa à l’école. C’est une forme de résistance douce, mais c’est la nôtre », explique David*, avocat à Amsterdam.
Où va-t-on ?
La montée de l’antisémitisme en Europe – plus sourde qu’explosive, plus sociale qu’institutionnelle – n’annonce pas un pogrom, mais un glissement. Celui d’une normalisation de la peur, d’un renoncement discret à la visibilité, d’un repli identitaire que personne ne souhaite mais que beaucoup ressentent. Et si l’Histoire ne se répète jamais tout à fait, elle rime parfois avec elle-même de façon troublante.
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