Il est des silhouettes qui traversent les décennies comme des mythes. Celle de Kate Moss, brindille impassible à la moue anglaise, continue d’aimanter les regards et les esprits, bien au-delà des podiums. À 50 ans, la Britannique incarne encore une certaine idée du chic européen – ce mélange de désinvolture maîtrisée, d’héritage aristocratique et de marginalité rock. Mais est-elle, pour autant, l’égérie par excellence de l’Europe ?
Il faut remonter au début des années 1990 pour comprendre le phénomène Moss. Dans un monde encore dominé par les supermodels aux courbes sculpturales, son arrivée – frêle, androgyne, presque fragile – a tout d’un séisme esthétique. Repérée à 14 ans à l’aéroport JFK, Kate Moss ne sourit jamais, fume toujours, aime mal et s’habille mieux que personne. Une anti-star devenue icône. L’Europe, surtout, y projette ses contradictions : le culte de la beauté imparfaite, l’amour des figures sulfureuses, l’élégance sans effort.
Ses frasques ? Elles font partie du mythe. À l’instar d’une Marianne un peu ivre dans un bar de Soho, Moss incarne cette liberté européenne que d’autres continents jugent décadente. Cocaïne, liaisons tapageuses, nuits blanches et retraites silencieuses… Rien ne l’a vraiment détrônée. Elle ne s’excuse pas, elle s’impose. Même ses silences ont du style.
Ambassadrice tour à tour pour Dior, Burberry, Yves Saint Laurent, et aujourd’hui pour sa propre marque de bien-être mystique, Kate Moss cultive une rare capacité à tout traverser – les tendances, les scandales, les générations – sans jamais céder au kitsch ni à la vulgarité.
L’Europe aime ses muses à la fois aristocratiques et païennes. Kate Moss, c’est Brigitte Bardot sans le bruit, Jane Birkin sans l’accent. Elle est à la mode ce que la littérature est à la culture française : une passion intime, un peu snob, toujours essentielle.
Alors oui, dans une Europe post-Brexit, fragmentée, inquiète de son identité, la figure de Moss flotte comme un drapeau froissé mais toujours debout. Elle est peut-être, au fond, la dernière égérie à l’échelle du continent. Pas parce qu’elle le représente parfaitement, mais parce qu’elle l’incarne dans toute sa complexité : libre, fatiguée, somptueuse.
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