Depuis plusieurs semaines, le Togo est le théâtre d’une vague de manifestations violemment réprimées, suscitant une vive inquiétude quant à la sécurité de la population et au respect des droits humains. Ces mobilisations, qui se sont intensifiées les 26, 27 et 28 juin 2025 dans la capitale Lomé, traduisent un mécontentement populaire face à la gouvernance du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 après avoir succédé à son père. Les récentes réformes constitutionnelles, perçues comme un moyen de prolonger son règne indéfiniment, ont attisé la colère des citoyens, en particulier de la jeunesse togolaise.
Une répression brutale et systématique
Le 26 juin 2025, des centaines de manifestants, principalement des jeunes, sont descendus dans les rues de Lomé pour protester contre ce qu’ils qualifient de « coup de force constitutionnel ». Ces manifestations, bien que pacifiques selon les organisateurs, ont été accueillies par une réponse brutale des forces de l’ordre. Selon des témoignages relayés par des organisations de la société civile (OSC), les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes, des matraques et ont procédé à des arrestations arbitraires. Dans le quartier d’Anfamé, des éléments des forces de l’ordre auraient pénétré dans des domiciles privés, brisant des portes pour arrêter des citoyens sans motif légal, y compris des personnes qui ne participaient pas aux manifestations.
Des rapports font état de bastonnades indiscriminées, d’actes de torture et de détentions sans procédure légale. Amnesty International a signalé que des dizaines de personnes avaient été arrêtées lors des manifestations des 5 et 6 juin, bien que la plupart aient été relâchées rapidement. Cependant, trois manifestants restaient en détention début juin, et les allégations de mauvais traitements persistent, malgré les démentis du gouvernement togolais.
Un contexte politique tendu
Ces manifestations s’inscrivent dans un climat de tensions politiques exacerbées par la mise en place de la 5e République, instaurée par une réforme constitutionnelle controversée en mai 2025. Cette réforme a conféré à Faure Gnassingbé le titre de président du Conseil des ministres, un poste sans limite de mandat, renforçant les craintes d’une consolidation autoritaire du pouvoir. Les partis d’opposition et les OSC, regroupés sous la bannière « Touche pas à ma Constitution », dénoncent cette manœuvre comme une tentative de perpétuer la dynastie Gnassingbé, au pouvoir depuis 1967.
Le 6 juin 2025, des manifestations spontanées avaient déjà éclaté à la suite de l’arrestation du rappeur engagé Aamron, accusé d’avoir appelé à protester contre le régime. Bien que sa libération ait été obtenue, elle n’a pas suffi à apaiser la colère populaire, qui s’exprime également face à la crise du coût de la vie et à l’augmentation récente des prix des produits de première nécessité.
Une liberté d’expression sous pression
Les restrictions imposées à la liberté d’expression aggravent la situation. Le 16 juin 2025, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) a suspendu pour trois mois les médias français France 24 et RFI, accusés de violations répétées. Cette décision, intervenue dans un contexte de tensions politiques, a été largement perçue comme une tentative de museler la presse internationale. Par ailleurs, la correspondante de TV5 Monde, Flore Monteau, a été brièvement arrêtée le 6 juin et forcée de supprimer des images de manifestations, malgré son accréditation.
Les organisations de défense des droits humains, telles que l’Association des Victimes de la Torture au Togo (ASVITTO), ont dénoncé l’inaction de l’État face aux allégations de torture et appellent à des enquêtes indépendantes. Ces organisations rappellent que la liberté de manifestation est un droit fondamental garanti par la Constitution togolaise et les traités internationaux ratifiés par le Togo.
Appel à la retenue et à la solidarité
Face à cette répression, les OSC et les partis d’opposition appellent les forces de sécurité à protéger les manifestants plutôt qu’à les réprimer, soulignant que la désobéissance civile est un droit face à l’oppression. La diaspora togolaise, notamment en Allemagne, s’est mobilisée pour soutenir les manifestations, dénonçant une « dictature de plus de 50 ans » et réclamant la libération de tous les prisonniers politiques.
Le gouvernement, de son côté, a rappelé dans un communiqué du 19 juin 2025 les conditions légales encadrant les manifestations, menaçant de sanctions toute initiative hors du cadre légal. Cette position est critiquée comme une tentative de criminaliser la contestation citoyenne, dans un pays où les manifestations sont interdites depuis 2022 suite à une attaque meurtrière au marché de Lomé.
Une population en danger
Les récents événements au Togo soulignent une crise profonde, marquée par un fossé grandissant entre le pouvoir et la population. Les actes de répression, les arrestations arbitraires et les restrictions des libertés fondamentales placent les citoyens togolais dans une situation de vulnérabilité accrue. Comme l’a déclaré un utilisateur sur X, « la population est en danger » face à une répression qui semble viser à terroriser plutôt qu’à maintenir l’ordre public.
Les organisations internationales, y compris Amnesty International et Reporters Sans Frontières, appellent à une enquête transparente sur les violences et à un respect des engagements internationaux du Togo en matière de droits humains. La communauté internationale est également invitée à se mobiliser pour soutenir le peuple togolais dans sa quête de justice et de démocratie.
Conclusion
Le Togo se trouve à un tournant critique. Les manifestations réprimées des 26, 27 et 28 juin 2025 reflètent une aspiration profonde à un changement démocratique et à une gouvernance respectueuse des droits de la population. Alors que les tensions persistent, il est impératif que les autorités togolaises cessent les violences, libèrent les prisonniers politiques et engagent un dialogue inclusif pour répondre aux aspirations légitimes des citoyens. Sans une telle démarche, le pays risque de s’enfoncer davantage dans une crise dont les premières victimes seront, une fois encore, les Togolais eux-mêmes.
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