Depuis quelques années, un changement important se dessine dans les relations entre l’Arménie et la Turquie. Après des décennies de frontières fermées et de dialogue rompu, les deux pays semblent prêts à tourner une page historique. Bien que les avancées restent prudentes et parfois fragiles, des signes concrets montrent qu’un rapprochement réel est en cours.
Un dialogue discret mais structuré
Depuis fin 2021, les gouvernements arménien et turc ont mis en place des discussions officielles par le biais d’envoyés spéciaux. Des avancées ont été réalisées dans la discrétion : des vols directs entre Erevan et Istanbul ont repris en 2022, et des discussions sur le transport de marchandises sont en cours. Même si les frontières terrestres restent officiellement fermées, l’idée d’une réouverture partielle, notamment pour les échanges commerciaux, est de plus en plus envisagée.
Un besoin de diversification pour l’Arménie
Le contexte géopolitique a fortement évolué, notamment pour l’Arménie. Après sa défaite face à l’Azerbaïdjan en 2020 et la perte du Haut-Karabakh en 2023, Erevan cherche à revoir sa politique étrangère. Jusqu’alors très dépendante de la Russie, l’Arménie tente désormais de diversifier ses partenariats en se rapprochant de l’Union européenne, des États-Unis, de l’Inde, mais aussi de la Turquie. Ce rapprochement avec Ankara pourrait aussi contribuer à apaiser les tensions avec l’Azerbaïdjan, puisque ce dernier entretient des relations étroites avec la Turquie.
Des avantages économiques mutuels
Sur le plan économique, la réouverture des frontières serait une opportunité pour les deux pays. Pour l’Arménie, enclavée et peu connectée aux marchés internationaux, l’accès au marché turc – et indirectement au marché européen – représenterait un levier important de croissance. Les entreprises turques, en particulier celles situées à l’est du pays, pourraient également bénéficier d’un accès au marché arménien et, par son biais, à l’Union économique eurasiatique.
Une opportunité régionale
Au-delà des intérêts bilatéraux, le rapprochement s’inscrit dans une dynamique régionale. La Turquie voit dans le Caucase du Sud un passage stratégique vers l’Asie centrale et la Chine, en dehors des routes contrôlées par la Russie et l’Iran. L’intégration de l’Arménie dans cette vision logistique pourrait faciliter la création de nouvelles infrastructures, notamment ferroviaires et routières.
Obstacles persistants
Malgré ces perspectives encourageantes, de nombreux défis subsistent. Les négociations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ne sont pas encore finalisées, et certaines questions sensibles restent en suspens. De plus, les opinions publiques dans les deux pays sont encore divisées, et les responsables politiques doivent faire preuve de courage pour avancer sur ce chemin complexe. Enfin, les infrastructures actuelles sont peu adaptées à une coopération intense, ce qui nécessitera des investissements importants.
Conclusion
Le rapprochement entre l’Arménie et la Turquie avance lentement, mais de manière réaliste. Il ne s’agit pas d’un simple élan diplomatique, mais d’une réponse à de nouvelles réalités régionales et à des intérêts économiques partagés. Si un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan voit le jour, il pourrait accélérer ce processus. En attendant, une coopération progressive, basée sur des projets concrets, reste la voie la plus probable vers une normalisation durable.