Face à une dépendance excessive à l’égard de la Chine pour les matières premières critiques, l’Union européenne amorce un tournant stratégique en se tournant vers une région longtemps négligée : l’Asie centrale. Réunissant cinq pays riches en ressources – Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Tadjikistan et Turkménistan – cette zone devient aujourd’hui un levier clé pour assurer l’autonomie industrielle et énergétique de l’UE.
Une dépendance minérale devenue une vulnérabilité stratégique
La quasi-hégémonie chinoise sur les chaînes d’approvisionnement en minerais critiques inquiète de plus en plus Bruxelles. La Chine contrôle environ 60 % de la production mondiale de ces ressources et jusqu’à 85 % de leur traitement, selon Eurostat. Une situation jugée intenable, notamment depuis que Pékin a restreint certaines exportations, comme celle de l’antimoine, un composant essentiel pour les équipements militaires et optiques.
Les trésors minéraux enfouis de l’Asie centrale
L’Asie centrale apparaît comme une alternative stratégique crédible. Le Kazakhstan, par exemple, produit déjà 19 des 34 matières premières critiques listées par l’UE, dont l’uranium, le silicium ou le tungstène. L’Ouzbékistan n’est pas en reste, avec des réserves abondantes en cuivre, en argent, en or et en molybdène. Pourtant, une grande partie de ce potentiel demeure inexploité, faute d’infrastructures modernes et de technologies durables.
Une stratégie européenne fondée sur le partenariat et la durabilité
L’approche européenne se distingue de celle de la Chine ou des États-Unis par la volonté de créer des coentreprises avec les acteurs locaux. Cette logique de partenariat vise à stimuler l’industrialisation régionale, favoriser la création d’emplois et garantir une extraction durable. À Samarcande, lors du premier sommet UE-Asie centrale, cette stratégie a été réaffirmée, insistant sur la nécessité d’un développement respectueux de l’environnement et des communautés locales.
Le couloir transcaspien : une route vers l’indépendance
L’un des projets phares de cette coopération est le développement du corridor transcaspien (TITR), une infrastructure de transport visant à relier directement l’Europe à l’Asie centrale en contournant la Russie. Intégré à l’initiative Global Gateway de l’UE, ce corridor pourrait réduire le temps de transit à 15 jours et multiplier par huit le volume d’échanges de containers. Déjà, plus de 9 milliards d’euros ont été mobilisés pour son développement.
Une bataille d’influence entre Bruxelles, Moscou et Pékin
Si l’UE veut s’imposer durablement dans la région, elle devra faire face à la concurrence de puissances bien implantées. La Russie, affaiblie par les sanctions liées à la guerre en Ukraine, tente de maintenir son influence via des réseaux économiques opaques. La Chine, quant à elle, continue d’accroître ses investissements, portée par sa propre transition énergétique. Pour l’Europe, l’enjeu est clair : il faut agir vite, avec des projets concrets, visibles et bénéfiques pour les populations locales, sous peine de perdre un levier essentiel pour son avenir industriel.