Introduction
Ces dernières années, les tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan autour du Haut-Karabakh semblaient appartenir au passé… jusqu’à ce que les projecteurs se braquent à nouveau sur la région avec la signature, à Washington, d’un accord de paix présenté comme historique. Officiellement, l’événement est célébré comme un succès de Donald Trump. Officieusement, il s’agirait d’un coup de maître diplomatique minutieusement orchestré par la Turquie, avec des ramifications bien au-delà du Caucase.
Du conflit armé au “Grand Jeu” diplomatique
Le conflit du Haut-Karabakh, enclavé au sein de l’Azerbaïdjan mais historiquement disputé par l’Arménie, a connu plusieurs flambées de violence depuis les années 1990. La guerre de 2020 a permis à Bakou, soutenu par Ankara, de reprendre une partie des territoires perdus. Depuis, un chantier colossal a été lancé, dont le point central est le corridor de Zanguezour — un axe stratégique reliant directement l’Azerbaïdjan au Nakhitchevan, puis à la Turquie, et plus largement au monde turcique.
Ce projet est perçu par Ankara comme une étape clé vers la réalisation d’un vieux rêve : l’Union turcique (ou Turan), un bloc géopolitique et culturel allant de l’Anatolie aux confins de la Chine.
Les résistances : Russie, Iran et tensions régionales
La construction de ce corridor a suscité une opposition farouche de la part de l’Iran et de la Russie, deux puissances inquiètes de voir leur influence reculer dans le Caucase. Téhéran a même menacé de considérer l’achèvement du corridor comme un casus belli. Ankara, inflexible, a répondu qu’elle frapperait toute tentative d’entrave.
Face à ces pressions, la Turquie a proposé d’intégrer l’Iran et la Russie au projet, proposition rejetée par les deux. Résultat : le corridor a été mené à bien sans eux, consolidant la position turco-azerbaïdjanaise et isolant leurs rivaux.
L’entrée en scène américaine et l’effet Trump
Selon l’analyse présentée dans la vidéo d’origine, la cérémonie à Washington n’est pas simplement un moment de paix. C’est aussi un geste stratégique : amener les dirigeants arménien (Nikol Pachinian) et azerbaïdjanais (Ilham Aliev) à apparaître ensemble aux côtés de Donald Trump, le félicitant publiquement pour la fin du conflit.
Ce coup de communication servirait plusieurs objectifs :
- Renforcer Trump sur la scène politique américaine en le présentant comme artisan de la paix.
- Envoyer un signal à Moscou et Téhéran : Bakou et Erevan se rapprochent de l’axe Ankara-Washington.
- Préparer un partenariat stratégique entre les États-Unis et le bloc turcique pour contrer la Chine.
Zanguezour, pièce d’un puzzle plus vaste
Dans ce scénario, la maîtrise du corridor de Zanguezour pourrait servir à limiter la “Nouvelle Route de la Soie” chinoise. Si Washington obtient un droit d’exploitation stratégique (via Ankara), les États-Unis pourraient restreindre le flux de marchandises chinoises vers l’Europe et l’Asie centrale.
Ce positionnement créerait un double verrou géopolitique :
- Contenir la Chine économiquement.
- Réduire l’influence russe et iranienne dans le Caucase.
Le rêve turcique : vers un “nouvel empire” ?
L’horizon stratégique esquissé va bien au-delà de la paix caucasienne. Si l’Union turcique (Turan) voyait le jour, elle formerait un bloc allant de la Méditerranée orientale à la frontière chinoise, rassemblant six États et plus de 150 millions d’habitants.
Un tel ensemble, allié ponctuellement aux États-Unis par convergence d’intérêts, pourrait bouleverser les équilibres mondiaux. Les partisans de ce projet n’hésitent pas à parler d’un “nouvel empire turc” dans les décennies à venir.
Trump, Erdogan et l’avenir
Trump a publiquement déclaré ne faire confiance qu’à Recep Tayyip Erdogan sur la scène internationale, une affirmation qui en dit long sur la convergence stratégique entre Ankara et l’ancien président américain. Si cette coopération se poursuit et s’élargit, elle pourrait redessiner non seulement la carte du Caucase, mais aussi celle des routes commerciales mondiales.
Le prochain test de cette alliance se jouera peut-être à Gaza : un dossier explosif qui pourrait déterminer si ce rapprochement débouche sur une nouvelle ère d’influence turco-américaine… ou s’il restera un épisode ponctuel.
💡 En résumé : Le “coup de paix” mis en scène à Washington cache un agenda bien plus large : affaiblir Russie, Iran et Chine, consolider le bloc turcique, et donner à Trump une stature internationale. Derrière les sourires officiels, c’est un véritable échiquier géopolitique qui se met en place — avec Ankara comme stratège principal et Washington comme partenaire circonstanciel.