Il est décidément devenu un sport national : prendre ses distances avec Emmanuel Macron, une fois quittée la chaleur étouffante de Matignon. Après Gabriel Attal, qui, depuis Arras, a revendiqué dimanche « un projet de changement profond », voilà qu’Édouard Philippe, plus discret mais non moins acéré, règle à son tour ses comptes avec le chef de l’État.
Dans un entretien fleuve accordé à la chaîne YouTube « Legend », l’ancien maire du Havre raconte son éviction en 2020, au sortir de la crise sanitaire, avec ce mélange de flegme et d’amertume dont il a le secret. « Le président n’a jamais vraiment expliqué les raisons profondes de ce changement », lâche-t-il, avant d’ajouter avec un sourire à peine contenu : « J’étais de plus en plus Premier ministre. Ce président n’aime pas beaucoup les Premiers ministres qui prennent trop d’espace. » Tout est dit : Philippe se met en scène comme le contrepoids institutionnel qu’Emmanuel Macron n’aurait jamais toléré.
Le message est limpide. Derrière l’apparente neutralité, l’ancien chef de gouvernement façonne déjà son récit présidentiel. Celui d’un homme d’État, loyal jusqu’au sacrifice, puis sacrifié par un président qui ne supporte ni ombre ni contrepoids. Narration efficace : elle dessine une stature, installe une rivalité implicite, et séduit un électorat de droite orphelin.
Reste que la charge intervient dans un contexte d’effritement inédit : 17 % seulement des Français se disent satisfaits du président, selon le dernier baromètre Ifop-JDD. Dans ce vide politique, les ex-locataires de Matignon apparaissent comme des figures de recours, en marge mais déjà dans l’arène. Attal s’imagine en rénovateur juvénile, Philippe en sage stoïque. Tous deux savent que Macron, au crépuscule de son mandat, incarne désormais moins l’avenir que le point de départ de leur ambition.
Ironie de l’histoire : ces Premiers ministres, façonnés par Macron, s’émancipent en dénonçant ce qui fit sa force — sa verticalité, son refus du partage, sa présidence solitaire. À mesure qu’ils se détachent de lui, ils dessinent la silhouette d’un pouvoir crépusculaire. Et s’installent, déjà, dans le roman de l’après-Macron.
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