Quelques jours après une frappe israélienne contre une église de Gaza, le souverain pontife dénonce « l’usage aveugle de la force » et exhorte les nations à retrouver le sens du sacré.
Dans un discours d’une gravité saisissante, prononcé depuis la loggia du Palais apostolique ce dimanche, le pape Léon XIV a rompu le silence qu’il observait depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas. D’une voix douce mais ferme, le souverain pontife a lancé un vibrant appel à la paix, condamnant « la barbarie de la guerre » et fustigeant « l’usage aveugle de la force qui piétine la dignité humaine et profane les lieux de prière ».
Quelques jours auparavant, une frappe israélienne a touché l’enceinte d’une église grecque-orthodoxe à Gaza, causant la mort de trois civils palestiniens réfugiés dans le complexe religieux. Le Saint-Siège n’avait jusque-là émis qu’un bref communiqué de prière pour les victimes. L’allocution de ce dimanche marque donc un tournant dans la position du Vatican.
« Quand les murs des sanctuaires s’effondrent sous les bombes, c’est le silence du sacré qui hurle au cœur des consciences humaines », a déclaré le Pape, les traits tirés, devant une foule recueillie place Saint-Pierre.
Dans la grande tradition de l’Église diplomatique, la dénonciation reste générale, sans nommer explicitement Tel-Aviv. Mais nul n’est dupe : le message est limpide, et sa portée morale, redoutable. À travers ses mots, Léon XIV remet au centre du jeu international une voix que l’on croyait éteinte ou confinée aux sphères spirituelles. Il rappelle que la diplomatie pontificale, si souvent prudente, peut aussi être mordante lorsqu’elle se hisse à la hauteur des drames du monde.
Un pontife à contre-courant de la realpolitik
Depuis son élection il y a deux ans, Léon XIV — ancien archevêque de Lisbonne au style discret et intellectuel — s’est imposé comme un pape du verbe rare mais pesé. Moins médiatique que ses prédécesseurs, il cultive une autorité morale quasi oraculaire. Son intervention d’hier, bien que brève, résonne avec les grandes heures de la papauté diplomatique — de Jean XXIII pendant la crise des missiles à Cuba, à Jean-Paul II face à la guerre en Irak.
Léon XIV convoque, à sa manière, une tradition européenne de la conscience : celle d’Erasme, de Bernanos, ou de Simone Weil. Il parle de la guerre non pas en stratégiste mais en homme du Verbe, évoquant « la déshumanisation croissante de nos regards » et appelant les dirigeants à « retrouver le sens du sacré, qui n’est pas le monopole des croyants mais le socle invisible de toute civilisation ».
Le silence occidental en filigrane
Il est difficile de ne pas lire dans cette sortie pontificale une critique implicite de l’atonie des chancelleries occidentales. Tandis que la communauté internationale semble paralysée par la géopolitique du bloc contre bloc, le Vatican prend le contre-pied : celui d’une parole éthique, sans calcul apparent. Une parole devenue rare.
Reste à savoir si cette voix, si singulière, sera entendue. À une époque où les discours humanistes se heurtent à l’impératif de puissance, la parole du Pape risque d’être classée dans le tiroir des nobles naïvetés. Mais peut-être est-ce là sa force : dans le vacarme des armes, oser encore parler de sacré, d’innocence, de pardon.
Dans un monde saturé d’images et d’analyses, la voix blanche et nue du Pape résonne comme une note ancienne : celle d’un temps où la morale pesait parfois plus que les missiles. Un murmure dans la tempête. Mais un murmure qui, précisément parce qu’il refuse la brutalité, devient prophétique.
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