Washington — C’est une annonce qui sonne comme un écho mélancolique dans l’Amérique post-présidentielle : Joe Biden, 82 ans, a été diagnostiqué d’un cancer de la prostate à un stade avancé et agressif, avec des métastases osseuses. L’ancien président des États-Unis, dont le mandat s’est achevé dans une atmosphère de fatigue démocratique et de divisions persistantes, affronte désormais une épreuve intime, mais dont les résonances sont, comme toujours avec lui, profondément politiques.
Selon les médecins qui suivent l’ancien chef de l’État, le cancer est qualifié de “hautement agressif”, avec un score de Gleason de 9 sur 10, indicateur clinique d’un niveau de malignité élevé. La maladie s’est déjà propagée aux os, mais demeure, selon le corps médical, “hautement sensible à la thérapie hormonale”, ce qui ouvre un champ thérapeutique non négligeable.
Une santé longtemps au centre du débat
Le corps de Joe Biden a toujours été un sujet politique. Sa démarche, sa voix, son regard, sa mémoire même ont fait l’objet d’analyses obsessionnelles, particulièrement lors de sa campagne présidentielle en 2020 et tout au long de son mandat. Il incarnait déjà, pour ses adversaires, un pouvoir en déclin, pour ses partisans, une forme de sagesse éprouvée.
Ce diagnostic vient aujourd’hui confirmer ce que le président lui-même n’a jamais nié : sa condition humaine. La maladie frappe un homme qui, depuis toujours, avance en boitant — non de fatigue, mais de pertes. Perte d’une fille, d’une épouse, d’un fils. Le cancer ne l’atteint pas pour la première fois, mais il le fait cette fois en pleine lumière, à l’heure du retrait, presque au seuil de l’Histoire.
Une figure transpartisane dans l’épreuve
L’annonce de sa maladie a provoqué une vague de réactions rares dans le paysage politique américain. Même Donald Trump, son successeur et rival acharné, a publié un message sobre de soutien. Kamala Harris, Barack Obama, Mitt Romney, mais aussi des membres de la Cour suprême ou des figures médiatiques conservatrices ont salué “la dignité d’un homme confronté une fois de plus à l’épreuve”.
Joe Biden, paradoxalement, rassemble davantage dans la maladie qu’il ne le faisait dans l’exercice du pouvoir. Il est redevenu, en quelques heures, le “Joe” national, le père endeuillé devenu président, l’homme du quotidien propulsé au sommet de l’État, incarnation d’une certaine idée de l’Amérique fatiguée mais encore debout.
La maladie comme miroir politique
Au-delà de sa portée médicale, le diagnostic de Biden agit comme un miroir pour la démocratie américaine elle-même : affaiblie, vieillissante, mais encore résolue à défendre ce qu’elle estime juste. La prostate, organe discret, devient presque ici une métaphore : ce que l’on croyait périphérique devient soudainement central. La maladie, silencieuse puis brutale, renvoie à cette Amérique qui s’effondre parfois dans le silence avant de se redresser.
Biden, que beaucoup voyaient finir son mandat dans l’anonymat feutré des anciens présidents, se retrouve au centre d’un récit national, non plus comme chef d’État, mais comme survivant. Il ne s’adresse plus au Congrès mais à la condition humaine — cette chose que la politique feint souvent d’oublier