À l’heure où le capitalisme vacille encore sous les secousses de crises répétées, une vieille querelle refait surface avec acuité : qui déteste les riches ? Qui les adore ? Et, surtout, la responsabilité de l’État dans ces cataclysmes financiers — faut-il l’accuser d’intervenir trop ou pas assez ?
Une relation ambivalente aux riches
La figure du riche, dans l’imaginaire collectif européen, est tiraillée entre admiration et ressentiment. Admiration pour ceux qui incarnent la réussite, la création, la liberté économique. Ressentiment contre ceux qui semblent concentrer le pouvoir, exploiter les failles du système, et creuser les inégalités.
Dans les salons parisiens comme dans les rues populaires, la richesse fascine autant qu’elle scandalise. C’est ce double regard qui nourrit la « bobo-critique » : une posture intellectuelle qui veut concilier humanisme et refus de l’oligarchie.
Crise de 1929 : laissez-faire et cataclysme
La Grande Dépression est longtemps restée la caution historique des détracteurs du laisser-faire. En 1929, le krach boursier fut suivi d’un effondrement économique mondial, largement imputé à une régulation insuffisante, à la spéculation effrénée et à l’absence d’État protecteur.
L’interventionnisme keynésien, avec le New Deal de Roosevelt, est alors apparu comme un remède salutaire : relance de la demande, création d’emplois, régulation des marchés financiers. Un modèle qui a durablement marqué les esprits.
Crise de 2008 : l’État coupable ou sauveur ?
La crise financière de 2008 a rouvert le débat. Cette fois, l’État est intervenu massivement pour sauver banques et institutions financières. Certains y voient la preuve d’un capitalisme en faillite, sauvé artificiellement par les deniers publics. D’autres pointent du doigt un État complice, trop proche des puissances économiques, ayant insuffisamment régulé le secteur avant le crash.
Dans ce scénario, l’interventionnisme devient à la fois la cause (par des politiques laxistes ou opportunistes) et la réponse (plans de sauvetage, stimulus budgétaires).
Un débat idéologique plus que factuel
Les crises de 1929 et 2008 démontrent surtout que ni le pur laisser-faire ni l’interventionnisme absolu ne sont des panacées. L’économie réelle, faite d’hommes, d’angoisses, de jeux de pouvoir, échappe aux schémas binaires.
Ce qui est certain, c’est que la gestion des crises révèle des tensions profondes entre justice sociale, efficacité économique et légitimité démocratique. Dans ce débat, les riches sont tour à tour boucs émissaires et acteurs indispensables.
La leçon pour demain
Au fond, la question n’est pas tant de savoir si l’État doit intervenir, mais comment. Comment concilier la nécessaire régulation avec l’innovation ? La solidarité avec la liberté d’entreprendre ? Comment dépasser la vieille dichotomie entre haine et amour des riches pour construire un système plus juste, plus stable, plus humain ?
L’histoire économique européenne est une invitation à dépasser les caricatures. Les crises sont des moments de rupture, mais aussi d’opportunités. Et peut-être que la vraie richesse est là : dans la capacité collective à penser autrement, à réinventer le pacte social
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