En déclarant, non sans une pointe d’espièglerie, avoir soumis la candidature de Donald Trump au prix Nobel de la paix, Benjamin Netanyahou a ravivé une controverse aussi brûlante que les terres qu’elle concerne. Le président américain, adulé par certains, honni par d’autres, s’est imposé dans le paysage diplomatique moyen-oriental avec la brutalité d’un bulldozer et l’efficacité d’un courtier new-yorkais pressé. Reste une question lancinante : mérite-t-il vraiment le Nobel de la paix ?
Des accords d’Abraham à l’art du deal
Il faut lui reconnaître cela : Donald Trump n’a pas eu peur de renverser la table. En orchestrant, entre 2020 et 2021, les accords d’Abraham – ces pactes de normalisation entre Israël et plusieurs monarchies du Golfe (Émirats arabes unis, Bahreïn, Maroc, Soudan) – il a modifié la cartographie diplomatique d’un Proche-Orient trop longtemps figé dans l’impasse. Là où l’orthodoxie diplomatique misait sur l’invisible et le patient, Trump a opté pour le spectaculaire et le transactionnel.
Il ne s’agissait plus d’attendre une paix globale entre Israël et la Palestine, mais de contourner l’équation palestinienne, en transformant les partenaires arabes d’antan en alliés potentiels de Tel-Aviv. Pour ses partisans, ce fut un coup de génie. Pour ses détracteurs, un abandon pur et simple de la cause palestinienne au profit du cynisme des intérêts économiques et géostratégiques.
Une paix signée… sans les principaux intéressés ?
C’est là que le bât blesse. Les accords d’Abraham ne sont pas des traités de paix à proprement parler – il n’existait pas d’état de guerre entre les signataires – mais plutôt des pactes de reconnaissance mutuelle. La question palestinienne, loin d’être résolue, en est sortie marginalisée, voire évacuée. Pire : les années Trump ont vu la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et le transfert de l’ambassade américaine, acte unilatéral qui a ulcéré une grande partie du monde arabo-musulman.
Peut-on prétendre à la paix lorsque l’on accroît les fractures ? Peut-on être nobélisé pour une stratégie de contournement ?
Un Nobel politique, vraiment ?
Le prix Nobel de la paix n’est pas un prix d’intention : c’est une reconnaissance du résultat durable. Si la realpolitik brutale de Trump a certes permis des avancées pragmatiques, rien ne dit qu’elles survivront aux tensions à venir. Depuis, la région s’est embrasée à nouveau, à Gaza comme au Liban, et les perspectives d’un apaisement durable semblent plus lointaines que jamais.
Certes, le Nobel n’a pas toujours récompensé des pacifistes irréprochables. Kissinger en fut le plus parfait contre-exemple. Mais peut-on sérieusement considérer Donald Trump, dont les saillies contre l’Iran, la Syrie et les Kurdes ont jeté une ombre persistante, comme un “homme de paix” ?
Un miroir de notre époque
Finalement, cette suggestion de Netanyahou, mi-sérieuse, mi-provocatrice, en dit long sur l’époque. Dans un monde où l’efficacité brutale est parfois préférée à la diplomatie feutrée, où les deals priment sur les principes, Donald Trump incarne une forme de succès contemporain. Faut-il pour autant lui tendre la médaille de la paix ? Rien n’est moins sûr.
L’histoire, seule, tranchera. Et le comité Nobel, dans sa sagesse parfois paradoxale.
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