Qu’a donc trouvé Donald Trump chez Andrew Jackson, septième président des États-Unis, pour en faire son modèle quasi mystique ? Dès les premiers jours de sa présidence, Trump fit installer le portrait de Jackson dans le Bureau ovale, comme on accroche un talisman. Les deux hommes sont séparés par près de deux siècles, un monde et une rhétorique, et pourtant, ils se rejoignent dans un même imaginaire : celui d’un pouvoir défiant les élites, méprisant les conventions, et se posant en voix sacrée du peuple.
Andrew Jackson, président de 1829 à 1837, n’était pas un homme de salon. Général rugueux, autodidacte hautain, il incarne une Amérique farouchement indépendante, nationaliste avant l’heure, viscéralement méfiante à l’égard des institutions fédérales. Il renversa les équilibres établis à coups de décrets, s’attaqua à la Banque centrale, fit du président un quasi-monarque populaire, et réactiva le mythe d’une démocratie musclée, viriliste, sans fard.
C’est cette figure que Trump invoque. Pas tant l’homme que la posture. Le chef au franc-parler, qui bouscule les élites de Washington, s’affiche comme la voix des oubliés, et transforme la vulgarité en vertu politique. Jackson fut l’initiateur d’un populisme de conquête ; Trump en est le revival télévisuel, narcissique et globalisé. Deux avatars d’une même tentation : celle de la démocratie illibérale, où l’élection devient plébiscite permanent.
Mais l’admiration de Trump pour Jackson ne s’arrête pas à la forme. Elle touche aussi à l’essence idéologique. Jackson incarna une Amérique blanche, expansionniste, dominatrice. Il fut l’artisan de la « Trail of Tears », la déportation tragique des peuples amérindiens, acte fondateur d’une Amérique conquérante qui s’écrit en effaçant les autres. En Trump, cette tentation de la mémoire sélective se rejoue : glorification des statues, réhabilitation des figures controversées, rejet obsessionnel du « woke » et des minorités trop visibles.
L’ironie, c’est que Jackson, au fond, ne fut pas un conservateur, mais un révolutionnaire du désordre. Trump aussi, d’une certaine manière : un conservateur sans tradition, un réactionnaire sans racines. Tous deux incarnent un populisme de rupture, plus instinctif qu’idéologique, plus performatif que réformateur. Ils ne gouvernent pas, ils dérangent.
Dans un pays où les mythes présidentiels forment une théologie politique, le choix d’un ancêtre est un programme. En choisissant Jackson, Trump se place sous le signe du chaos légitimé, de la démocratie musclée, de l’homme providentiel contre les institutions. Non pas pour penser l’histoire, mais pour s’en doter comme d’une armure.
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