Le divorce est consommé. Et comme souvent dans les unions de raison plus que de cœur, les comptes se règlent dans la presse. Elon Musk, le magnat de la voiture électrique et des fusées habitées d’ego, et Donald Trump, le champion populiste des cols blancs déclassés, ont rompu avec fracas. Ce qui fut une alliance d’intérêt devient un pugilat médiatique. À la croisée de la tech californienne et de la droite trumpiste, un clash se joue, aussi spectaculaire qu’instructif sur l’état du pouvoir aux États-Unis.
L’objet du litige ? Le refus déclaré de Donald Trump, en campagne pour reconquérir la Maison-Blanche, de renouveler les subventions fédérales aux véhicules électriques. Un revirement assumé, aux allures de bras d’honneur aux élites “woke” et aux “technocrates verts”, que le tribun de Mar-a-Lago fustige dans ses meetings avec la verve gouailleuse qu’on lui connaît. “Les Américains veulent des pick-ups, pas des trottinettes à batterie”, a-t-il récemment lancé dans un swing state, ovationné par une foule de casquettes rouges.
Face à lui, un Elon Musk furibond, qui se dit trahi. Le patron de Tesla et de X (ex-Twitter) ne décolère pas : selon des sources proches du milliardaire, il aurait injecté, de manière plus ou moins directe, des millions dans la galaxie trumpiste — en lobbying discret, en visibilité médiatique, voire en soutiens technologiques. Sur X, où l’homme aime à poser en philosophe stoïcien autant qu’en provocateur en roue libre, Musk a publié une série de messages sibyllins : “Sans moi, Trump serait resté une anecdote en caps lock.” Ou encore : “L’ingratitude est la marque des petits rois.”
Quand la Silicon Valley flirte avec l’autoritarisme
La rupture n’est pas seulement politique, elle est générationnelle et symbolique. Car Elon Musk, sous ses dehors libertariens, avait su incarner une forme de virilité néolibérale, proche par certains aspects de la grammaire trumpienne : refus du politiquement correct, amour de la disruption, mépris des institutions. Il était le “geek alpha” du capitalisme américain, là où Trump en est la version “casino & steaks”. Deux hommes blancs, ultra-riches, en guerre contre les normes, mais pas pour les mêmes raisons.
Leur alliance n’avait rien d’évident, mais elle fonctionnait. Trump y voyait une caution d’avenir, une aura technologique face à une Amérique qu’il décrivait comme “déclinante”. Musk y gagnait un accès direct aux hautes sphères de décision et un laissez-passer symbolique dans un monde où l’écologie est souvent perçue comme un caprice de gauche. Ensemble, ils formaient ce que certains à Washington appelaient “le duo du chaos créatif”.
L’argent ne fait pas l’élection
Mais l’Amérique de 2025 n’est plus celle de 2016. L’inflation a miné les classes moyennes, la question climatique est désormais clivante, et la promesse de voitures électriques pour tous a viré au luxe pour urbains branchés. Trump, en animal politique pragmatique, sent le vent tourner. Musk, en businessman rationnel, voit ses intérêts menacés. Le clash était inévitable.
Le plus spectaculaire reste sans doute le ton : insultes à peine voilées, accusations de manipulation, allusions à des “enregistrements compromettants”. Les deux géants n’ont rien à envier aux querelles d’ados d’une télé-réalité. Mais derrière ce théâtre, une réalité froide : les financements publics sont l’oxygène de Tesla. Et Musk, derrière sa posture de rebelle, reste un industriel dépendant de Washington.
Épilogue : un duel de narcissismes
La rupture entre Trump et Musk dit beaucoup sur l’époque. Elle raconte l’essoufflement du mythe de la tech toute-puissante, mais aussi l’usure d’un populisme qui ne sait plus très bien contre qui diriger sa colère. Deux egos surdimensionnés, deux visions de l’Amérique, deux routes qui se séparent. L’un veut relancer les forages pétroliers, l’autre coloniser Mars. Reste à savoir si, dans ce duel de narcissismes, l’intérêt général trouvera encore sa place.
En attendant, les électeurs, eux, restent au sol, coincés entre un SUV thermique et une berline électrique hors de prix.