Dans un contexte de profondes pénuries électriques en Syrie et d’une volonté affirmée de réintégration régionale, la Turquie et la Syrie viennent de franchir une étape stratégique majeure : un partenariat énergétique ambitieux visant à alimenter la Syrie en gaz naturel et en électricité. Ce rapprochement marque une rupture avec les années de guerre et laisse entrevoir une dynamique nouvelle pour la reconstruction du pays.
Le gaz turc : une bouffée d’oxygène pour une Syrie exsangue
La Turquie prévoit de livrer à la Syrie environ 2 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an, selon les déclarations d’Alparslan Bayraktar, ministre turc de l’Énergie. Cette fourniture permettra à Damas de produire jusqu’à 1 300 mégawatts supplémentaires d’électricité, un soulagement majeur pour une population syrienne qui ne bénéficie actuellement que de quelques heures de courant par jour.
Une coopération technique aux ambitions concrètes
Les deux ministres ont confirmé l’objectif de finaliser une ligne de 400 kilovolts entre les deux pays d’ici la fin de l’année. Cette infrastructure devrait permettre l’importation d’environ 500 mégawatts d’électricité turque supplémentaires. À plus court terme, jusqu’à 1 000 mégawatts d’électricité devraient être exportés vers la Syrie dès les prochains mois, soit un triplement des volumes actuels.
Reconstruction énergétique et stratégie régionale
Au-delà de la réponse immédiate aux besoins énergétiques syriens, cet accord s’inscrit dans une logique plus large de reconstruction et de stabilisation post-conflit. La Turquie cherche à asseoir son rôle de moteur régional dans la relance économique syrienne, en positionnant ses entreprises dans les domaines du minier, de l’électricité et des hydrocarbures. Ce partenariat offre aussi à Ankara un levier géopolitique sur un voisin longtemps hostile.
La relance du pipeline et la redynamisation du réseau syrien
Les discussions ont également porté sur la réactivation du gazoduc reliant Kilis à Alep et Homs, un axe logistique essentiel à la mise en œuvre de cet accord. Les flux devraient commencer dès le mois de juin, selon le ministre syrien de l’Énergie, Mohammad al-Bashir. Cette interconnexion permettrait de multiplier par quatre ou cinq la durée de disponibilité quotidienne de l’électricité en Syrie.
Une signature symbolique pour un partenariat durable
La visite à Damas du ministre Bayraktar a été marquée par la signature d’un mémorandum d’entente couvrant plusieurs secteurs clés : énergie, hydrocarbures, exploration minière, et distribution. Ce document formalise un engagement bilatéral de long terme, avec des effets attendus tant sur la vie quotidienne des Syriens que sur la stabilité régionale.
Vers une nouvelle ère de coopération régionale ?
Ce partenariat marque une recomposition subtile du paysage moyen-oriental. Après des années de rupture diplomatique et de guerre civile, la Syrie semble amorcer une phase de réintégration régionale, dont la Turquie entend être un acteur central. Si ce rapprochement énergétique aboutit comme prévu, il pourrait servir de modèle pour d’autres formes de coopération dans la région, alliant intérêts économiques et objectifs de paix durable.