La Turquie, un pivot stratégique entre Europe et Moyen-Orient, traverse une phase économique tumultueuse, marquée par des soubresauts politiques, des mesures monétaires strictes et des mutations structurelles. Le rapport printanier 2025 de la Commission européenne dresse un portrait contrasté de son économie, mêlant lueurs d’espoir et zones d’ombre persistantes.
Désinflation en progrès, mais vulnérabilités à l’horizon
Un vent d’optimisme souffle avec le repli de l’inflation à 37,9 % en avril 2025, son niveau le plus bas depuis fin 2021, après un pic étouffant à 75 % mi-2024. Ce recul s’explique par le coup de frein monétaire de la Banque centrale, qui a surpris en portant son taux directeur à 46 % en mars, en réaction à l’instabilité post-crise politique. Mais l’équilibre reste précaire : un gel printanier a ravagé les cultures, laissant planer le spectre d’une explosion des prix alimentaires. Si la tendance à la baisse devrait se poursuivre, les experts anticipent une inflation à deux chiffres jusqu’en 2026.
Croissance en berne, tensions politiques en cause
L’économie turque marque le pas, avec une croissance attendue à 2,8 % en 2025 avant un rebond à 3,5 % en 2026. Ce ralentissement reflète l’impact des mesures anti-inflationistes sur la consommation, mais aussi les remous politiques, comme l’arrestation du maire d’Istanbul Ekrem Imamoğlu, ébranlant la confiance des investisseurs. L’industrie et les services perdent du terrain, tandis que l’agriculture et le BTP résistent. Les ménages, quant à eux, consomment avec prudence, malgré une légère amélioration de leur pouvoir d’achat.
Commerce extérieur : le vent contraire
Autrefois fer de lance, les exportations trébuchent face à la livre turque trop forte et à une demande mondiale atone. Les espoirs liés aux tensions commerciales américaines s’amenuisent. Conséquence : les importations grignotent la contribution positive du commerce extérieur à la croissance. Heureusement, la baisse des coûts énergétiques limite le déficit courant.
Emploi : un mirage trompeur ?
Le chômage, tombé à 7,9 % en mars 2024 (un plancher depuis 2005), masque des failles. La Commission redoute un retournement en 2025, avec un essoufflement des créations d’emplois. Le sous-emploi chronique, s’il freine les salaires et l’inflation, alimente un malaise social latent.
Budget 2025 : le pari de l’austérité
Ankara vise un déficit public à 3,1 % du PIB, contre 4,9 % en 2024, en réduisant les dépenses post-séisme. Mais l’équation budgétaire reste tendue, avec des recettes fiscales moins dynamiques. La dette publique, modérée, reste néanmoins un atout pour rassurer les marchés.
Stabilité en demi-teinte
Si la Turquie affiche une résilience améliorée grâce à des politiques plus cohérentes et des réserves accrues, les écueils abondent : désinflation incomplète, croissance timide, fragilités sociales et géopolitiques. La voie vers une stabilité durable exige rigueur maintenue et gouvernance assainie, dans un contexte où chaque faux pas pourrait raviver les tempêtes.