Il est des empires qui ne naissent pas dans le fracas des armes, mais dans la foi tranquille du progrès. Les États-Unis d’Amérique, ce « jeune pays à l’âme vieille », comme le disait Tocqueville, ont traversé le XXe siècle en façonnant le monde à leur image : productiviste, libre-échangiste, inquiet de sa propre puissance. De Franklin Roosevelt à Donald Trump, l’histoire des États-Unis s’écrit comme une odyssée inégale, marquée par des élans titanesques, des fractures internes et une constante : la tension entre promesse démocratique et réalité impériale.
Roosevelt ou l’Amérique en architecte du monde libre
Lorsque Franklin D. Roosevelt arrive au pouvoir en 1933, l’Amérique est à genoux. La Grande Dépression a sapé ses fondements économiques et miné sa confiance. En architecte du New Deal, Roosevelt réinvente le contrat social américain : État-providence, régulation bancaire, grands travaux publics, assurance chômage — autant de piliers qui modernisent le capitalisme sans le renier. Il est aussi, à partir de 1941, le visage de la guerre juste : celle contre les totalitarismes européens.
Sous Roosevelt, l’Amérique devient l’arsenal des démocraties. Le plan Marshall, la création de l’ONU, Bretton Woods : autant de matrices d’un ordre libéral international que les États-Unis vont dominer sans partage jusqu’au tournant du siècle.
Les années 1950-60 : prospérité et luttes
L’après-guerre inaugure un âge d’or. Le rêve américain se déploie sur fond de banlieues, de voitures chromées et de télévision. Mais cette Amérique triomphante est aussi celle des paradoxes. L’ombre du maccarthysme, la ségrégation raciale, la guerre froide. L’URSS, satellite dans le ciel, menace dans les esprits.
Puis viennent les années Kennedy et Johnson : Camelot et le Vietnam. L’un fait rêver, l’autre fait saigner. En parallèle, les luttes des droits civiques — Martin Luther King, Malcolm X, Rosa Parks — fissurent le vernis du consensus. C’est une révolution intérieure : l’Amérique doit désormais compter avec ses minorités, ses désobéissances, sa jeunesse.
Reagan, Clinton, et le triomphe de l’individu
Ronald Reagan, star recyclée en président, incarne l’ère néolibérale. Moins d’État, plus de marché. Moins de solidarité, plus de mérite. Il redonne confiance aux Américains tout en creusant les inégalités. L’URSS tombe, la guerre froide s’achève — l’Amérique jubile.
Puis viennent les années Clinton, miroitantes et ambiguës. Croissance, Internet, globalisation heureuse. Mais derrière la bulle technologique, une désindustrialisation rampante et des ghettos invisibles. Le multiculturalisme triomphe dans les discours, pendant que le cœur ouvrier se délite.
Bush, Obama, et l’Amérique en guerre contre elle-même
Le 11 septembre 2001 marque une césure. George W. Bush engage les États-Unis dans deux guerres longues et coûteuses — Irak et Afghanistan — sur fond de croisade morale. Mais la démocratie ne s’exporte pas à coups de drones. L’image de l’Amérique s’écorne, son hégémonie devient brutale, son modèle contesté.
Puis surgit Barack Obama, incarnation de l’espoir post-racial. Mais son intelligence feutrée et son élégance rhétorique ne suffisent pas à guérir les plaies d’un pays fracturé. La crise de 2008 ravive les colères : Wall Street sauvé, Main Street oublié.
Trump ou le reflux brutal du rêve américain
L’élection de Donald Trump, en 2016, sonne comme une révolte contre l’élite mondialisée. Le populisme reprend le flambeau de l’Amérique blanche, rurale, anti-intellectuelle. C’est le retour du protectionnisme, la défiance envers les institutions, la glorification de la brutalité. L’Amérique ne veut plus guider le monde, elle veut s’en protéger.
Trump n’est pas une aberration ; il est le symptôme d’un empire inquiet de sa propre fatigue. Ce n’est plus l’Amérique de Kennedy, mais celle des talk-shows et des tweets. L’héritage est consumé dans un feu médiatique permanent.
Épilogue provisoire : une démocratie en réinvention perpétuelle
De Roosevelt à Trump, les États-Unis n’ont cessé de se réinventer, de se diviser, de rayonner. À chaque crise, une réponse, parfois géniale, souvent brutale. L’Amérique n’est pas une ligne droite mais une boucle : elle avance en trébuchant, fidèle à sa promesse fondatrice et à ses contradictions.
À l’heure où le monde devient multipolaire, où la Chine se dresse, où les démocraties doutent, les États-Unis restent un miroir tendu à l’Occident : fascinant, exaspérant, et toujours en mouvement.
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