Le catholicisme est-il devenu une force majeure aux États-Unis ? Quand Tocqueville croise Trump
Washington — Dallas — Notre-Dame de Los Angeles. L’Amérique, longtemps terre protestante aux accents puritains, voit-elle aujourd’hui le catholicisme émerger comme une force motrice dans ses mutations sociales et politiques ? La question, qui aurait paru incongrue au siècle dernier, trouve un nouvel écho à l’heure où le catholicisme américain s’affiche désormais à la fois dans les chancelleries, les tribunaux et les mégachurches. Entre renaissance spirituelle, conservatisme assumé et récupération politique, cette résurgence n’est pas sans rappeler les intuitions de Tocqueville, pour qui l’Église catholique, minoritaire mais structurée, serait un jour « la plus formidable rivale de l’esprit démocratique » — et peut-être aussi son dernier rempart.
Une religion d’avenir dans une démocratie de crise ?
« Le catholicisme est une religion plus favorable à la République qu’on ne le croit », écrivait Alexis de Tocqueville au XIXe siècle, dans De la démocratie en Amérique. Ce qu’il entrevoyait alors comme une intuition intellectuelle semble prendre forme aujourd’hui sous nos yeux : dans une société américaine fracturée, anxieuse, souvent déboussolée, l’Église catholique apparaît comme une institution stable, hiérarchisée, capable d’absorber les conflits tout en imposant une vision morale de long terme.
Alors que les grandes dénominations protestantes s’effritent, et que l’athéisme reste marginal dans la sphère politique, le catholicisme séduit une nouvelle élite intellectuelle et politique — conservatrice, souvent convertie, parfois radicale. J.D. Vance, vice-président des USA, en est le symbole : converti au catholicisme, lecteur de Thomas d’Aquin et de Soljenitsyne, il incarne cette nouvelle droite mystique qui voit dans la foi catholique un contre-modèle à la société liquide, woke et dépolitisée.
L’Amérique de Trump : un messie laïc en quête de sacré
Dans ce paysage, la figure de Donald Trump intrigue. Lui-même protestant non pratiquant, récemment qualifié par ses soutiens de “messie providentiel”, il incarne un catholicisme inversé : sans sacrements, mais avec rite ; sans catéchisme, mais avec croyance. C’est un christianisme de la posture plus que de la doctrine, mais qui mobilise pourtant des millions de catholiques américains, séduits par sa rhétorique de la tradition, de la frontière, et du combat spirituel contre « le déclin moral ».
Trump, dans sa manière de se présenter comme “envoyé”, réactive les vieux archétypes du roi thaumaturge, de l’oint choisi malgré lui. Ce n’est pas un hasard si certaines franges de l’Église américaine — notamment autour des figures comme l’archevêque Vigano — n’hésitent plus à sacraliser sa parole et à dénoncer Rome comme une institution décadente infiltrée par le progressisme.
Une Église en reconquête culturelle
Le catholicisme américain n’est pas seulement une question de théologie. Il est désormais un levier culturel, éducatif, médiatique. Les écoles catholiques élitistes accueillent les enfants des nouvelles élites conservatrices. Des intellectuels influents — de Patrick Deneen à Sohrab Ahmari —